Balades algéroises - 1
Toutes les distractions, tout le luxe, toute la beauté, mais aussi toutes les misères de la grande ville, sont rassemblés à Alger, au coude à coude, fondus dans une même fièvre bouillonnante qui ne s'apaise que très tard dans la nuit.
Un concours de circonstances m'a fait purger en Alger une année, une longue année de célibat forcé. J'y ai traîné ma solitude au long de toutes ses rues et de ses ruelles, à la recherche d'un introuvable appartement. J'ai connu toutes ses promenades longeant le bord de mer, du haut des falaises et des rochers ; celles de l'évasion vers les crêtes boisées aux riches villas nichées dans les jardins et les verdures, celles qui, en peu de temps vous sortent de la ville et vous jettent en pleine campagne, en pleins champs ou en pleine forêt.
J'ai rodé dans les vieux quartiers pittoresques de la Kasbah, musant par les ruelles tortueuses devant les vieilles maisons - celles qu'une affiche annonce comme " honnêtes " et les autres - devant les vieilles pierres. Je m'arrêtais par moments aux devantures des boutiques et des tripots, fouillant partout du regard pour aider mon imagination vagabonde à me porter dans le passé barbaresque de la vieille cité.
De toutes les promenades, il en est une chère à mon coeur. Partant de mon " quartier général " en hôtel, elle traverse la chaussée des tramways, passe sous les immenses magnolias et ficus abritant le Square Bresson. Elle conduit sur le front de mer d'où l'on découvre la rade entière et le port, ses jetées, ses bassins immenses et ces grands paquebots de passage qui font rêver de terres lointaines et d'exotisme. Aux tièdes soirées d'été, les jeux de lumières sur l'écran sombre de l'eau donnent un spectacle charmant que l'on ne se lasse pas de regarder ; rouge et vert, malicieux, inlassables, deux phares clignent de l'oeil alternativement.
Tout l'orientalisme, sa foi, son architecture et son passé se trouvent rassemblés Place du Gouvernement et ses abords, à la limite de l'ancien El-Djézaïr Demeurés à peu près intacts, les vieux palais turcs d'autrefois et les anciennes riches maisons musulmanes, débarrassés des bureaux ou des collections qui les encombrent aujourd'hui, représentent le type classique de l'habitation mauresque : son large patio, ses couloirs revêtus de carreaux de faïence aux riches couleurs, ses balcons intérieurs étagés, ses menuiseries de cèdre sculpté et ses portes vitrées aux délicieux carreaux multicolores, donnent à ces habitations le charme oriental des palais des Mille et Une Nuits, tels que la légende se plaît à les représenter.
Les immenses mosquées dont certaines sont empreintes de l'art des églises byzantines, avec leur élégant minaret, leurs grandes salles entourant la cour, aux alignements de piliers énormes dans laquelle règnent le silence, la paix et la fraîcheur, invitent à la prière et au recueillement - portes ouvertes sur le paradis d'Allah.
La Kasbah, nom prestigieux entouré de mystère et de légende, s'ouvre là, avec le dédale de ses rues tortueuses et étroites, refuges d'ombre où le soleil n'entre presque jamais. Montées en escaliers, ruelles en cul-de-sac, vieilles maisons penchées, encorbellements aux fenêtres étroites supportés par des étais de tuya, magasins minuscules avec leurs auvents envahissants, donnent à ce quartier pittoresque du vieil Alger - auquel la population est farouchement attachée - un véritable attrait qui opère un charme réel ...
Le reste de la ville ressemble aux villes de France et d'ailleurs : quartiers industriels, quartiers commerçants et quartiers de peuplement ; rues innombrables où règnent une circulation intense et l'activité des grandes villes ...
par A. Bianco
A suivre ...
Note : Cet ancien palais a-t-il retrouvé d'autres fonctions ? Je n'ai pu le vérifier.
M.P.B.