Des curiosités méconnues (2de partie)
L'un des véritables fleurons de notre Algérie est la multitude des sources qui, dans les replis, les gorges ou les vallées de l'Atlas, font jaillir leurs eaux chaudes ou bouillantes, enrichies de sels et de minéraux ; sources salutaires, sources anonymes, sources perdues dans les campagnes, sources providentielles, c'est partout le même enchantement des yeux, la même surprise d'un nid de végétation luxuriante née spontanément dans le pays aride d'alentour. Et c'est aussi le même intérêt suscité par la présence de ruines et de vestiges romains - leçon sévère donnée à notre civilisation et à notre modernisme qui se sont contentés de marquer d'un point sur la carte, la présence de ces sources miraculeuses, sans oser leur redonner la renommée de l'époque romaine.
Tout près de Constantine, abandonnées dans les champs, des anciennes piscines délabrées, envahies d'ajoncs, recueillent dans leurs vasques inutiles, les eaux chaudes de sources extrêmement abondantes. Rien autour. Pas le moindre établissement thermal, pas même un bain maure. Fort heureusement, ces eaux captées fournissent la force motrice au plaisant village du Hamma et servent à irriguer vergers et jardins qui font, de ce modeste hameau, une véritable oasis.
Même observation pour le lieu dit " Fontaine chaude " , à quelques kilomètres de Guelma, sur la route de Bône (note : Annaba) . Du fond de la grande piscine circulaire, une eau abondante et chaude, sourd par cent endroits ; recueillie, elle donne la force motrice à une minoterie voisine. Sous de grands oliviers, des pans de murs dressent leur lamentable délabrement. Au bord de la vasque, les mosaïques se désagrègent sous les pas des visiteurs.
Près de Lafayette, dans le fond de l'Oued Bou-Sellam, on retrouve les restes d'une cité thermale romaine qui dut avoir une grande renommée, à en juger par la minutieuse utilisation des eaux, facile à imaginer dans le cadre des ruines. Longtemps abandonnées à la thérapeutique locale, les eaux de Guergour (sulfatées / 43o) viennent à peine d'être officiellement exploitées : une installation provisoire de baraquements en planches, reçoit maintenant les grands rhumatisants. Les guérisons miraculeuses obtenues chez certains malades, seront - il faut l'espérer - un encouragement et bientôt Guergour aura des bâtiments convenables et des installations modernes.
Combien de cités romaines n'ont eu de renom que par les sources d'eau chaudes naturelles, riches en sulfates, chlorures, carbonates de toutes sortes, que leurs thermes et piscines utilisaient : tels Hammam Salihine dans le vieux Biskra, Hammam Sidi Hadj près d'El-Kantara, Hammam N'Baïl près de Nador (environs de Guelma) , Hammam Béni Guecha près de Lucet, Hammam Bou Hadjar (environs d'Oran) , Youks-les-Bains près de Tébessa.
Bien d'autres demeurent encore ignorées dans les régions peu fréquentées, difficilement pénétrables, où la route n'a pas encore amené le bien-être et l'école. Cachées dans les montagnes , au fond des gorges rocheuses, dans des cadres verdoyants et sauvages, elles coulent inlassablement , sans passé et sans nom ...
Par Albert Bianco