EN FLANANT DANS LES VIEUX QUARTIERS - 1 et 2

Publié le par Michèle Pontier-Bianco

Constantine  -  Rue de l'Echelle

Constantine - Rue de l'Echelle

Texte de  A. Bianco

                                         1 La Kasbah et le cinéma

Toutes les villes d'Algérie possèdent leurs vieux quartiers ; pourtant, très rares sont les touristes qui demandent à leur guide de les y conduire. Seule la Kasbah d'Alger garde ses visiteurs et ses curieux : ils y recherchent l'atmosphère louche, la pègre régie par " la loi du milieu " ; tout ce monde équivoque popularisé par des films comme  " Pépé le Moko " ou  " Sarati le terrible " . (Voir : Notes)

Mais quand on est né en Algérie, on ne peut pardonner au cinéma les erreurs, les énormités révélées par l'écran et qui ne peuvent que desservir l'attrait véritable de ces vieux quartiers. On a dit beaucoup de bien d'un dernier-né du cinéma - Maria Pilar - que des contingences ou des exigences de producteurs, ont fait appeler " Au coeur de la Casbah " . Pour une fois, dit-on, la vérité n'a pas été faussée et l'ambiance particulière des vieilles rues a été rendue avec tant d'exactitude que tous les suffrages lui sont acquis d'avance.  (Voir : Notes)

Couple à jamais mythique : Jean Gabin et Mireille Balin

Couple à jamais mythique : Jean Gabin et Mireille Balin

Certes, c'est dans ces vieux quartiers que vous trouverez les quelques mauvais garçons  appelés " protecteurs " des filles aux bouches outrageusement peintes qui, derrière les lourdes portes aux " judas " à barreaux, vendent les quelques illusions que peuvent donner leurs corps plus ou moins défraîchis. C'est là aussi,  que se " liquident " quelques règlements de comptes spéciaux, que se réfugient  bien des irréguliers, des traqués, parfois recherchés.  Ce n'est là qu'un aspect des quartiers ... " réservés " .

Notes : " Pépé le Moko  " a fait date dans la carrière de Jean Gabin - On ne peut nier le charme de ce film dans lequel jouent de grand acteurs : les deux vedettes et les seconds rôles - " L'exotisme colonial "  était dans l'air du temps ; on y voyait bien la Casbah mais il y manquait la vie authentique de ses petites rues et de leurs habitants.  

" Sarati le Terrible "  n'est pas le meilleur film de Harry Baur (immense acteur) on peut le comprendre ... Mais il est intéressant de voir le port d'Alger.

" Au coeur de la Casbah " montre en effet de belles photos du lieu. Ce mélodrame permet de voir la pulpeuse Viviane Romance. On la voit davantage que l'on ne voit la Casbah !   MPB

 

 

2   Rues et maisons

Mais ce sont les mille détails pittoresques échelonnés le long des vieilles rues, qui doivent attirer et retenir l'attention du visiteur. Le flâneur attardé en ces lieux est tout d'abord frappé par l'architecture fantasque qui semble avoir présidé à leur édification ; la fantaisie y défie les lois élémentaires de l'équilibre. Dans un véritable dédale de rues tortueuses et de culs-de-sacs, les maisons s'épaulent, assurant l'une à l'autre une mince garantie de station semi-verticale, à grands renforts de piliers, d'arcs-boutants et de soutènements divers.  

Encorbellements

Encorbellements

Ici une avancée chancelante se penche dangereusement  sur la ruelle élargie ; là, les deux lignes de maisons se rapprochent jusqu'à se toucher du bord de leurs toits. Parfois le rapprochement voulu, s'articule en étroits passages couverts, en larges voûtes sombres où des filets d'eau d'écoulement s'enrichissent de tant de lumière qu'on en oublie la fange qui les souille. A chaque pas le pied glisse et se tord sur les pavages de gros cailloux roulés où, par temps de pluie, les piétinements incessants mettent des cloaques de boue noire et visqueuse. Mais, aux chaudes journées de l'été, ces rues deviennent des refuges d'ombre et de fraîcheur.

La vétusté marque profondément toutes ces façades aux angles arrondis par l'usure ; les recrépissages partiels, les blanchiments à la chaux fortement teintée de bleu-outremer ou de vert-nil, cachent bien mal leur misère. Le bleu et le vert sont les couleurs spécifiquement locales, elles sont en l'honneur partout où le pinceau du badigeonneur peut aller, ne serait-ce que pour raviver le tour des lucarnes qui servent de fenêtres.

EN FLANANT DANS LES VIEUX QUARTIERS  - 1 et 2

Certaines rues ne groupent que des habitations : des portes basses à deux battants, enfoncées dans les murs épais, permettent d'y pénétrer - portes épaisses, blindées, ornées de clous à grosses têtes ou de gros cabochons - inévitables marteaux-heurtoirs en fer forgé, réduits parfois à un simple anneau  de fer plat, pour se faire entendre des profondeurs habitées. Les dessus- de- portes sont parfois en bois sculpté et les encadrements en marbre blanc, à colonnes torses : autant de découvertes, autant de surprises pour l'oeil de l'étranger. Rues calmes où, par groupes, des enfants jouent en silence à des jeux inconnus. Dans un rai de soleil, glissant entre les toits, des chats, sans pedigree ni race, somnolent et, paresseusement, s'en vont se couler dans les trous d'ombre dès que l'on dérange leur sommeil. 

Heurtoir de porte

Heurtoir de porte

Belle porte dans la Médina de Constantine

Belle porte dans la Médina de Constantine

Des bambins, pas plus hauts qu'une botte, échappés des appartements, pieds nus, frimousses barbouillées, blouse relevée par derrière et retenue par une épingle pour limiter les dégâts des besoins naturels, s'essaient à des marches " en simple commande " , dans des ruelles où nulle voiture ne passera jamais : les transports d'ordures ménagères, de gravats de démolition, de matériaux de construction ou de ravalement, se font uniquement à dos d'ânes - de grands ânes chargés de paniers-doubles en alfa tressé, remplis à déborder ; à leur passage on n'a  d'autre ressource, que celle de se réfugier dans le renfoncement d'une porte. 

A l'exception des constructions relativement récentes, pas ou très peu de fenêtres s'ouvrent sur ces ruelles ; en revanche, la lucarne est à l'honneur : ouverture plus ou moins régulière allant du " fenestron "  protégé d'une grille de fer ou d'un lattis de bois, au simple trou d'aération fermé d'une vitre scellée ou d'un bouchon de chiffons.

L'air et la lumière semblent étrangers à la vie qui grouille derrière ces vieilles façades. Pourtant, ce n'est là qu'une illusion : les lourdes portes de la rue s'ouvrent sur des couloirs sombres et tortueux, si bas qu'ils forcent  à courber le dos et ces passages conduisent aux intérieurs mystérieux ...   

A  suivre ...   3  La vie dans les cours

                                                                                                                                    A. B.

 

 

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