Hippone

Ruines romaines - Au fond : la Basilique Saint Augustin XIXe Siècle

Restes de l'Aqueduc Romain

Citerne romaine dite " d'Hadrien "

Texte de A. Bianco

L'un des itinéraires menant au Kef Sabaa passe près des ruines d'un aqueduc romain qui nous relie au riche passé de l'auguste aïeule de Bône : Hippone, l'antique Hippo -Regius. Cet aqueduc allait puiser l'eau dans les hauteurs forestières de l'Edough et la conduisait dans les citernes dites d'Hadrien dont la solidité a défié les siècles, à tel point qu'une simple réfection a suffi pour permettre de les utiliser comme réservoirs de la ville actuelle.

Hippone peut être citée comme la plus ancienne des fondations du littoral algérien dont l'origine incertaine est bien antérieure à la colonisation phénicienne, " douze siècles avant notre ère " ( Saïd Dahmani ) . A cette époque, la mer baignait cette antique cité dont des fouilles, relativement récentes, ont découvert les bases d'épaisses murailles faites de blocs énormes à bossages irréguliers, parfaitement jointés, dont certaines mesurent trois mètres et plus, de longueur.

Néréïdes

Mosaïque : Les amours vendangeurs

Sur cette assise monumentale, tout un quartier s'est plusieurs fois reconstruit ; les restes de villas somptueuses nous ont donné des colonnades, des bassins, des pavages de marbre, mais surtout de magnifiques mosaïques finement dessinées, riches en coloris - notamment dans les tons verts - dont les plus remarquables sont celles des Néréïdes dites " Le triomphe d'Amphitrite " . Citons aussi celles de l'Apollon Melkart, de la pêche, des neuf Muses, des amours et des vendanges et des quantités de fragments dont l'un représente la face expressive d'un dieu marin aux cornes en pinces de homard et à la barbe d'algues marines. 

Longtemps bridées par le morcellement des propriétés privées, les fouilles n'ont encore révélé qu'une infime partie des trésors archéologiques enfouis sous les terres mais les trouvailles faites à ce jour sont très encourageantes, d'autant plus que la zone à prospecter vient d'être acquise par l'Etat. 

Petit à petit le Forum - l'un des plus grands des villes antiques d'Afrique - est sorti de terre. Son dallage régulier et parfaitement conservé , porte une inscription monumentale du Proconsul Caïus Paccius Africanus qui précise son origine du Ier siècle. C'est là qu'a été mise à jour une tête "énasée " de l'Empereur Vespasien, en marbre blanc, présentant un masque saisissant d'expressive vérité. 

Vespasien

Mais la plus belle découverte est sans conteste un trophée romain en bronze, haut de plus de deux mètres, véritable oeuvre d'art représentant une cuirasse d'Empereur, couverte sur l'arrière du manteau court de la tenue d'apparat romaine.

Des temples et des édifices qui entouraient le Forum, il ne subsiste que les bases, des dallages de marbre, des débris de statues, de rares colonnes cannelées intactes, des chapiteaux, de nombreux piédestaux, tous marqués du sceau de la destruction et même de l'incendie. 

Le Cardo Maximus et son agencement classique - dallage, égout central - commence à renaître ; on a découvert au cours de travaux de nombreux et intéressants vestiges, tel ce masque de Gorgone dont la large bouche devait vomir l'eau de quelque fontaine monumentale.

Trophée de bronze

Masque de Gorgone

Les Grands Thermes sont les seuls bien conservés. La mise à jour du frigidarium et des piscines, du caldarium, du couloir et des salles souterraines destinées au chauffage, a permis la découverte de nombreuses statues. A ce sujet il faut noter le véritable engouement du peuple d'Hippone pour la statuaire tant les vertiges abondent. Les plus remarquables, les plus imposantes, taillées dans le marbre blanc sont au nombre de quatre : un Esculape et une Minerve sans tête, un Hercule imposant de 2,60 m de hauteur et surtout une élégante et fine Aphrodite, en marbre translucide, empreinte de grâce, oeuvre d'un artiste grec.

Esculape

Un théâtre aux dimensions colossales, artistement ouvragé, a été exhumé également. Malheureusement il est en assez piteux état et la scène semble avoir été sacrifiée, postérieurement, pour l'ouverture d'une rue. 

Enfin, un musée lapidaire, en plein air, a recueilli un grand nombre de stèles funéraires sculptées, de bas-reliefs, de dédicaces, de sarcophages et une multitude de débris d'architecture et de statues dont l'étude jettera peut-être un jour la grande lumière, sur l'histoire de cette ville antique, que domine la grande figure de Saint Augustin.

Saint Augustin et la Basilique d'Hippone

En effet, à Hippone, pendant quarante années - dont trente-cinq d'épiscopat - Saint Augustin mena une lutte farouche contre les Donatistes, les pirates et les Vandales. Il fit de son évêché une véritable capitale intellectuelle et religieuse où battait vraiment le coeur même du Christianisme.

Et c'est pourquoi Bône se doit de poursuivre opiniâtrement la résurrection complète de cette cité merveilleuse que fut HIPPO REGIUS.

Des siècles d'Histoire attendent de sortir de l'ombre pour  " briller comme un symbole à la face du monde " .                                                                                                     A. B.

A suivre : Aïssaoua

Rappel de dates importantes :    Hippone

Comptoir phénicien XIe av. JC -- Agglomération Punique alliée de Carthage -- Métropole Numide de Massinissa IIIe av. JC -- Annexée à la province romaine d'Africa Nova  en 46 av. JC -- Foyer du Christianisme au Ve siècle -- Prise par les Vandales en 431  -- Prise par les Byzantins en 533  --  Puis sous la coupe des dynasties Musulmanes en 705.