Camping dans l'Aurès

Publié le par Michèle Pontier-Bianco

Aïn-Yagout - ( Batna )

Aïn-Yagout - ( Batna )

Texte de A. Bianco 

(cf Notes)

" Et tandis qu'écrasé par son crâne qui bout,

Sentant naître et grandir l'affreux coup de bambou, 

Le Zouave a pour festin, la poussière des pistes,  

Pour fontaine, la sueur qui  coule de son front,

Et pour danseuses nues , aux seins fermes et ronds,

De grands mulets bâtés, à l'oeil morne et triste " .   

Un tonnerre d'applaudissements  salue  la fin  du  sonnet  que vient de dire         " Le Poète " , à la fin du repas groupant, sous la tente-infirmerie, tout l'Etat-Major du " Caïd " . 

Nous voici, pour l'instant, dans une pinède piquée de chênes-verts, envahie de broussailles épineuses et fleuries, dans les premiers contreforts de L'Aurès près de Batna.  Le soleil éclatant de Mai darde ses rayons et met sous la tente une chaude moiteur de bain-maure. Il chauffe à blanc la petite forêt qui exhale des senteurs de résine. Pas le moindre souffle d'air ; le bois n'attend qu'une étincelle pour flamber. 

Défense formelle de fumer sous les arbres a été ordonnée par " Le Caïd " à toute la smalah dont les petites tentes se dressent dans les fourrés et les trous d'ombre ; cette défense est presque superflue car nous sommes justement en plein mois de Ramadan et pour tromper le jeûne et réparer leurs forces, les Zouves, demi-nus, dorment paisiblement.

Je me retire moi-même sous ma tente semi-caïdale pour une sieste réparatrice. Un caméléon gris-verdâtre, aux yeux ronds, accroché des pattes et de la queue à un montant, se livre à des acrobaties, à une allure ralentie qui donne sur les nerfs. Je me retourne sur mon lit de camp et sombre peu à peu dans le sommeil . 

Chott : Lac salé

Chott : Lac salé

Premier jour de repos depuis près d'une semaine que, par marches nocturnes, la  smalah s'étire le long des routes, pour arriver à l'étape à l'heure où le soleil se lève. Par larges bonds de vingt-sept à trente kilomètres, nous fonçons vers le sud dans la nuit pleine de résonances, de martèlements et de piétinements.

L'interminable caravane d'hommes et de mulets lourdement chargés s'enfonce dans la nuit sans enthousiasme, insensible aux paysages baignés de lune. Sauf une fois, pourtant : la route, en cet endroit, sépare deux grands lacs aux eaux saumâtres, frangés de blancheur salée -  Sebkhet El Zemoul et Chott Tinsilt - ; sous la lune, leurs eaux mortes semblent deux immenses coulées d'argent. Sur notre droite, la montagne se réfléchit dans l'eau en une immense tache d'ombre bleu-nuit. Je songe aux nappes mouvantes des flamants roses, aux vols de canards sauvages aperçus un jour, alors que je passais en train, là, au bord de cette même route interminable.

Au village d'Aïn Yagout, le camp volant a déployé ses tentes pour la journée. Un érudit en archéologie signale la présence de " quelque chose à voir " et demande des néophytes volontaires pour y pousser une pointe à cheval. L'expédition touristique est vite organisée. Un temps de galop nous fait découvrir le Medracen. 

Le Medracen - Chef-d'oeuvre en péril ...

Le Medracen - Chef-d'oeuvre en péril ...

Enthousiasme et déception partagent le petit groupe des visiteurs à la vue de ce vaste amas circulaire de pierres branlantes surmonté d'un cône usé, ruiné par le temps. Un jeune " Aspi " originaire d'Alger dit que c'est une réplique du Tombeau de la Chrétienne, près des ruines antiques de Tipasa : mausolées semblables, mêmes colonnes enchâssées dans la paroi du tambour, même origine très lointaine.

Au loin, les montagnes bleues de Batna se dorent au soleil couchant, nous promettant quelles réjouissances ? Chaque étape ou chaque jour nouveau, découvre un paysage de plus en plus caillouteux et aride. La forêt qui commence aujourd'hui est une délivrance de la hantise des étendues brûlées, à l'herbe rare où paissent des troupeaux de moutons et de chèvres. 

Alerte. Branle-bas de combat. L'heure des choses sérieuses est arrivée ......

                                   A . B.

Notes

1 Manque de détails. Un seul sur Batna : en 1941, l'école du Stand (aujourd'hui Ecole Primaire Emir Abdelkader) servit d'hôpital pour les blessés Alliés des combats de Tunisie et de Libye pendant le Seconde Guerre Mondiale.

2 Le Medracen : Mausolée Numide - III° siècle av. J. C.  - 59 m de Diamètre  - 19,50 m de Hauteur

3 Le Mausolée Royal de Maurétanie (appelé à tort : Tombeau de la Chrétienne)  - Mausolée Numide - 60,90 m de Diamètre - 32,4 m de Hauteur

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