En parcourant les Bibans
Texte de A. Bianco
D'Akbou, une route très pittoresque remonte la haute montagne, traverse les massifs et rejoint Michelet dans le département d'Alger, par le col de Chellata (1 450 m) et celui de Tirourda (1 740 m). Tous deux ouvrent de vastes panoramas d'une grande beauté, sur les chaînes des Kabylies et sur les vallées enfoncées dans les plis majestueux des montagnes.
Il n'en fallait pas plus pour nous décider à tenter l'ascension du col de Chellata, par une route extrêmement sinueuse, montant rudement sans répit.
Chaque tournant élargit l'insondable horizon montagneux, rapetissant progressivement l'image du village laissé au bas des pentes : une véritable vue aérienne des paysages. Autour de soi, la terre nue, semée de blocs et de rocailles, porte encore quelques arbres dégénérés, des oliviers rabougris, une herbe rare où paissent des petits troupeaux et des vaches isolées. Par endroits, des escarpements de roches colorées crèvent le sol.
Une immense crête de roches brisées surmontant un massif épais, le domine, menaçante.
Les yeux, abreuvés d'espaces infinis, se fatiguent.
La descente n'est plus qu'un interminable slalom ...
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" Quelle idée avons-nous eue de prendre cette route impossible ! Nous aurions pu suivre la Nationale, comme tout le monde ! " . Voilà ce que je ne cessais de me répéter intérieurement, me maudissant d'avoir cédé aux conseils du "toubib " : on lui avait recommandé de regagner Bordj-Bou-Arréridj en passant par les Béni-Abbès, en plein coeur du massif des Bibans.
Pour l'instant, crispé au volant, toute mon attention en éveil, je tâchais de passer sans encombre d'un virage à l'autre, sans accrocher l'olivier qui semblait avoir été placé à chacune de ces embûches prodiguées tout au long de la route en lacets que nous suivions.
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Tout autour, comme une véritable forêt, les oliviers se succèdent, beaux arbres muselés, tous de la même grosseur, au travers desquels la route se tord, se tire-bouchonne et se disloque sans le moindre répit.
La montée se poursuit péniblement, les kilomètres se succèdent. Chaque rencontre d'un véhicule est une émotion ; le croisement est un problème où entrent en jeu les probabilités, les variations de courbes et bien d'autres calculs tant la chaussée est étroite ! Chaque fois qu'un bolide apparaît dans une courbe, on se dit : " Pourvu qu'il ait de bons freins ! " . Il en a heureusement, il ralentit, on se frôle mais on passe.
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Insensiblement la forêt d'oliviers s'éclaircit. Brusquement l'horizon se débouche. Tout en haut de la côte sans fin, des maisons apparaissent, semblant perchées au bord de vrais abîmes. Nous entrons dans un curieux petit village coloré, bigarré ; une large courbe le traverse tout en montée : c'est Ighil-Ali, berceau du royaume Berbère, un vrai petit village de Kabylie, perché sur un piton, avec toutes ses petites maisons claires, étagées en cascades le long des pentes abruptes.
Tout le village est dehors et semble se chauffer au soleil ; des bandes de gamins rieurs envahissent la rue. La place minuscule est bourrée de gens affairés autour d'étals en plein vent ; les chéchias rouges de quelques Pères-Blancs barbus, s'ajoutent aux autres couleurs vives noyées dans la masse blanches des burnous et gandourahs.
C'est jour de marché : tout au long des rues en pente, les marchands se succèdent, placidement assis derrière leurs éventaires de légumes verts, de cordons de poivrons rouges, de tissus, de graines, de sel gemme, de céréales, de vieilleries, mais surtout de curieuses pièces de bijouterie rutilantes et de meubles ouvragés : petits coffres sculptés et capitonnés de soie blanche ou rose pour nouveaux mariés.
Remontés en voiture nous reprenons l'ascension difficile du massif des Bibans. Toujours plus haut perchée, la route s'accroche à la paroi abrupte de la montagne et découvre peu à peu , à nos yeux étonnés, le relief tourmenté de ces vieilles montagnes usées, ravinées,
Les chaînes se succèdent en plis immenses séparés par des ravins aux pentes rapides descendant dans des vallées encaissées et accusant des différences d'altitude de plus de mille mètres.
Une maigre végétation tapisse sommets et versants. Parfois, en des coins impossibles, un minuscule village émerge, isolé, comme oublié du monde ; pas une route, pas même une piste ne semble y accéder. Des être humains peuvent vivre ainsi ... perdus dans l'isolement complet des montagnes inaccessibles ...
Bordj Boni nous offre son mirador à 1.164 m. d'altitude. A proximité de ce point se trouve Guelâa, un village perché en plein djebel, auquel on parvient par un sentier étroit et pénible à remonter, taillé dans les escarpements de rochers surplombant les ravins.
C'est là, l'inexpugnable forteresse des Béni-Abbès ...
A.B.
10-09-19
A suivre : En Petite Kabylie : Lafayette/Guergour
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