Parenthèse bienvenue
INTEMPÉRIES - Routes inondées, crues, récoltes dévastées... « Déluge » sur la Soummam ! 26 janvier 2019
( Extrait de " La Dépêche de Kabylie " que je remercie. ) M. P. B.
Texte de A. Bianco
Ce petit matin du 30 Octobre devait être marqué pour faire date dans l' " Histoire de la Tournée " . Avec un brusque changement de température, vent et pluie formaient cortège depuis notre départ de Sidi-Aïch alors qu'il faisait encore nuit.
Par vagues, la pluie inondait la voiture, débordait l'activité de l'essuie-glace qui n'arrivait pas à dégager la visibilité pour le conducteur. Des vents de coulis s'insinuaient dans l'auto ; perfides, ils remontaient les bas de pantalons, mettant dans les jambes des morsures de fourmis.
Chacun, jouant la poule couveuse, s'enfonçait dans les couvertures et, le col du manteau relevé, fermait les yeux, soit pour ne pas voir le déluge dans lequel nous foncions tête baissée, soit pour récupérer un peu de sommeil. Nous roulions à une allure prudente dans les jaillissements perpétuels de boue et les rideaux de pluie. Par moments, des torrents de boue traversaient la route en nappes tourmentées, ou laiteuses ou rougeâtres.
Brusquement des gouttes énormes se plaquèrent, se figeant un instant sur les vitres : il neigeait . Dans les myriades de fléchettes qui nous harcelaient, les phares éclairaient nettement de lourds flocons blancs, descendant très vite, aussi vite que le déluge.
Le jour perçait lentement ; nous roulions, ou plutôt, nous voguions sur une mer de boue envahissante, visqueuse, débordant des fossés et des ravinements des bords de la route.
Une immense oliveraie nous entourait de toutes parts : des oliviers énormes et chenus, aux têtes boursouflées ; une vraie capitale des oliviers !
L'idée heureuse de faire le point au premier village rencontré, confirmait le pressentiment que nous avions d'avoir dépassé notre gîte d'étape, - Akbou - , depuis un moment, sans nous en apercevoir.
Apitoyé par notre triste sort, le ciel nous vint en aide et ferma ses vannes. Un pâle soleil filtrant au travers des nuées, éclaira la recherche du village disparu, emporté probablement par le déluge que nous venions de subir une heure auparavant ... Il n'en était rien, fort heureusement. Toute notre angoisse se dissipa devant la plaque indicatrice marquant une bifurcation : " Akbou - 3 Km. " . Nous étions sauvés.
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C'est une véritable ascension qui, après plusieurs " épingles à cheveux " bordées de grands eucalyptus, mène au village d'Akbou, fiché sur un piton dominant la vallée. Nous découvrons une multitude de bicoques en pisé, agglutinées tout au long d'une pente raide où s'allongent des traînées blanchâtres de neige encore fraîche. Nous tournons , montons et tournons encore ; le village apparaît pavoisé, comme un jour de fête nationale, de guirlandes et de drapeaux trempés de pluie.
Serait-ce en l'honneur de notre passage ? ...
La question nous brûle les lèvres dès le premier contact avec les autorités de la Commune Mixte déjà envahie, malgré cette heure matinale, de cohortes de conscrits rassemblés , au milieu desquels trônent les burnous rouges, enrichis de broderies d'or, des Bachagas et des Caïds en grande tenue.
L'explication vient toute seule : le Général de Montsabert est aujourd'hui l'hôte d'Akbou ; il vient reprendre un contact amical avec " les anciens de la 3° D.I.A. " qu'il recherche dans les plus humbles villages. Donc, à midi, nous nous trouvons entraînés avec les " Officiels " au grand banquet donné en son honneur.
Le Général n'a pas changé : nous retrouvons son éternel sourire sous la moustache un peu plus blanche, les mêmes yeux petits et pétillants sous les sourcils épais qui semblent s'être enrichis des frimas de l'Italie et des Vosges. Nous le retrouvons tel que nous l'avons connu, en des jours semblables à celui-ci, au bord des routes boueuses encombrées de lourds convois ou près des P. C. couverts de neige.
La neige fond lentement sous le soleil qui s'enhardit. Les traînées de neige éparses ont pris maintenant une couleur de boue. Seuls, les sommets d'alentour dominant la vallée, gardent encore leur blancheur passagère.
Le soir, tout a fondu ... La Soummam, au fond de son lit élargi, roule des flots énormes, des eaux lourdes et boueuses ...
A. B.
28 et 29 -08- 19
A suivre : En parcourant les Bibans
N. B.
En Août 1 944 la 1ère Armée (ou Armée B) débarque en Provence ...
Zouaves et Tirailleurs Algériens ont largement participé à la Victoire finale. Ils ont d'ailleurs payé un lourd tribut ...
La 3° D I A avait comme insigne la Victoire ailée du Monument aux Morts de Constantine.