En Petite Kabylie : Lafayette - Guergour
Texte de A. Bianco
Après la forteresse des Béni-Abbès, la côte s'adoucit enfin ; encore quelques ondulations et la descente s'amorce vers un fond de vallée d'oued dans un pays extrêmement tourmenté, érodé, creusé de ravinements. Des chênes et des pins isolés apparaissent dans ce décor sauvage. Ils semblent eux-mêmes avoir enduré les mêmes souffrances que la terre tant ils sont déformés et à demi déracinés.
Nous roulons maintenant dans une véritable forêt de pins qui résonne des cris lointains des bandes de singes qui y habitent. Durant des kilomètres nous roulons avec l'appréhension d'une panne qui serait mal venue en ce pays désert. La route défoncée, arrachée même, en certains endroits nous oblige à rouler au pas . A notre grande surprise, nous rencontrons une équipe des Ponts-et-Chaussées en train de réparer et goudronner un tronçon de route. Nous saluons à grands cris, non seulement l'heureuse entreprise, mais aussi les premiers êtres humains retrouvés dans cette solitude âpre et sauvage dans laquelle nous nous sentions perdus depuis des heures.
Le petit peuple des singes dans les forêts de pins ...
Hélas, notre enthousiasme devait faire bulle de savon. Quelques centaines de mètres plus loin, l'état lamentable de la route brisa notre espoir et nous infligea un « tape-cul » inédit ...
Ce fut un soulagement quand la forêt céda la place aux premières ondulations des terres à blé d'une vaste plaine surélevée : la Medjana ; elle devait nous conduire au gros centre agricole de Bordj-Bou-Arréridj.
Mais notre course vagabonde avait, comme prochain point de chute, la Commune-Mixte de Lafayette. Elle nous attendait avec ses possibles recrues. Notre arrivée dans la petite ville coïncidait avec l'heure limite où l'on trouve encore quelque chose à manger dans les restaurants.
Bordj-Bou-Arréridj
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« Lafayette, nous voici ! »
Reprenant à notre compte le mot fameux de Pershing , c'est en ces termes que nous avons salué le village, au détour d'une route aux lacets vertigineux qui, depuis des heures, nous menait aux bords des ravins dénudés avec quelques nids de verdure posés au fond des oueds . Tout le Guergour semblait s'être rassemblé au village. Les frênes énormes, plusieurs fois centenaires et les immenses platanes bordant l'artère principale, étaient tendus de guirlandes de petits drapeaux, en prévision du 11 Novembre , Fête de l'Armistice. La grande rue grouillait littéralement de toute cette jeunesse des campagnes environnantes et des confins de la Petite Kabylie, rassemblée depuis la Commune-Mixte jusqu'à la Salle des Fêtes. Les cafés-maures débordaient de cette clientèle qui leur était imposée par nécessité de logement. En effet, hors le service de jour prodiguant les boissons chaudes, le café-maure est chargé de recueillir de nuit les clients de passage en quête d'un gîte.
Lafayette - Rue Principale
Café Maure de Kabylie (à l'époque)
Le pays alentour présente des étendues de terres nues alternant avec des ondulations verdoyantes. La nuit , qui tombe très vite en cette saison, nous trouve donc rassemblés en l'unique café-restaurant où il nous faut nous réfugier aux heures de répit. L'unique charme de l'endroit est matérialisé par l'heure des repas. Le seul coin touristique de la région se trouve à quelques kilomètres de Lafayette, au fond de gorges rocheuses où coule le Bou-Sellam : les bains du Guergour.
Régénérant les thermes romains de l'antique Ad Sava Municipium, supplantant le " hammam " du petit village tassé sur la colline, un établissement officiel - constitué provisoirement de baraquements de planches et de tôle ondulée – livre une guerre farouche aux rhumatismes dans ce que cette maladie a de plus cruel comme complications.
Hammam Guergour
Une infirmière nous sert bénévolement de guide dans la visite des installations thermales utilisant les propriétés miraculeuses des eaux très chaudes. Elle nous présente le client de choix de la maison : un pauvre homme, jeune encore. Amené à la station, quelques temps auparavant, réduit à la paralysie générale affectant toutes les articulations – même celles des mâchoires – l'homme était devenu un véritable bloc rigide. Or maintenant, il pouvait enfin parler, ouvrir la bouche, tourner la tête et remuer les doigts. Une guérison exceptionnelle s'opérait lentement, là où tous les traitements antérieurs avaient échoué.
Nous traînons un moment dans les ruines des thermes antiques, nous extasiant sur la judicieuse disposition des lieux et l'intelligente utilisation des eaux dans le passé fameux de l'Algérie Romaine.
Ruine Romaine de Hammam Guergour
La Station Thermale (actuellement)
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La ronde continue pour nous, par bonds, par sauts de puce ou à pas de géant, nous conduisant de la mer à la montagne, de la montagne à la plaine. Une grande enjambée de près de trois cents kilomètres devait, à nouveau, nous ramener à la côte pour quelques jours , avec comme étapes, Collo et Philippeville ....
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A.B.
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02-10-2019
A Suivre ...
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