Philippeville
( Skikda actuellement)
Texte de A. Bianco
Novembre tirait à sa fin ; de belles journées ensoleillées compensaient largement les froidures matinales et les quelques pluies subies. Comme pour auréoler cette fin de tournée, Philippeville avait mis son ciel le plus pur et s'était paré de ses plus riches couleurs . Les véritables joyaux de la cité - mosaïques et carreaux de faïence - tapissant la Mairie et la Gare, brillaient de tous leurs ors, au grand soleil matinal.
Le voyageur, propulsé le long du rail algérien, est frappé par la modestie, voire même l'indigence, des gares marquant chaque arrêt. Celles d'Alger et Constantine sont minables, indignes des belles villes qu'elles desservent. Les multiples travaux de modernisation ont réussi à donner un petit air de jeunesse aux guichets mais n'ont pu chasser l'impression de tristesse que l'on ressent - côté quais et côté entrée - à l'aspect suranné et étriqué de l'ensemble.
Deux villes l'ont bien compris : Bône et Phillippeville.
Dynamiques, elles ont rivalisé d'audace dans la conception de leurs projets.
Leurs réalisations hardies sont dignes d'être signalées dans le Gotha touristique de l'Algérie.
Philippeville a inscrit en tête de liste des "choses à voir" , sa Gare et sa nouvelle Mairie. Toutes deux se dressent de part et d'autre d'une grande place, largement dégagée, avec l'inévitable et archaïque kiosque à musique en son milieu.
Hall, guichets, escaliers d'accès, bureaux, quai principal de la gare, sont enrichis de soubassements de granit, de mosaïques et de carreaux de faïence qui, ajoutés aux lignes sobres et aux aménagements modernes, offrent immédiatement aux voyageurs, un accueil plaisant.
Mais, la pure merveille philippevilloise est, sans nul doute la Mairie : statues, sculptures, tapisseries, marbres, peintures de maîtres, tapis, ameublement, tous ces éléments de décoration sont marqués du sceau du bon goût. La Salle des Fêtes, celle des délibérations du Conseil Municipal, la Salle des Mariages et les bureaux particuliers du Maire et de ses Adjoints, rivalisent de luxe, de confort et de lumière. La visite de cette véritable oeuvre d'art est un enchantement.
Les jardins extérieurs eux-mêmes, avec leurs colossales statues de bronze, leurs jets d'eau, leurs plantations exotiques et la grande vasque de mosaïque bleue, ajoutent au prestige du bâtiment.
On chercherait en vain, dans l'immense hall où sont réunis les bureaux publics, l'ambiance "rond-de-cuir" que donnent , dans toutes les mairies de sous-préfectures, les cartons poussiéreux, les meubles sombres, les paperasses empilées, les vieux dossiers et les relents de tabagie !
Tout est clair et net derrière les guichets vitrés et le personnel lui-même " fait jeune " ! Le vieux secrétaire , sorti des pages de Courteline, a remisé ses manchettes et troqué ses lorgnons contre des lunettes à monture américaine.
Un autre trésor de l'Hôtel de Ville est sa superbe collection de tableaux : ceux de José Ortega, lumineux et évocateurs , ceux de Jules Chabassière, moins connu, moins joyeux, lui, mais aussi talentueux et de bien d'autres qui ont fixé sur leurs toiles les images du pays qu'ils aimaient ...
La Poste est aussi à remarquer pour son architecture qui s'intègre bien au style du centre-ville ainsi que le Théâtre "à l'italienne" tels ceux que l'on construisait au début du siècle.
Il nous faudrait citer aussi les jardins, les Allées Barraud, la Place de la Marine avant de parler du bord de mer ... Dominant le Port et de part et d'autre de la rue principale, des maisons sont étagées à flanc de colline ; un fouillis de petites rues vous invite à grimper ; des escaliers raccourcissent les chemins en dévalant les pentes ...
A Suivre ...
A. B.
17-10-19
Notes : Charles de Montaland fut l'architecte de la Mairie ( 1931 ) - du Théâtre (1932 ) - de la Gare ( 1937 ) - de la Grande Poste ' 1938 ) - de la Villa Mériem. Cela, à la demande du Maire Paul Cuttoli (de 1929 à 1949) .
Le 13 Janvier 2009, un incendie se déclara dans les Bureaux du Maire de Skikda, détruisant des toiles de maîtres de la célèbre collection ... Perte irrémédiable.