Tlemcen - La ville sainte

Publié le par Michèle Pontier-Bianco

Mosquée de Sidi Boumediène à Tlemcen - ( Peinture Orientaliste )

Mosquée de Sidi Boumediène à Tlemcen - ( Peinture Orientaliste )

Texte de A. Bianco

Il s'appelait Sidi-Bou-Médine ( Choaïb Abou-Madyane -1126-1197). Les hasards de l'invasion arabe qui déferla sur l'Espagne aux temps anciens, l'avaient fait naître à Séville.

Sa sagesse et sa clairvoyance, sa bonté naturelle et surtout sa grande érudition, en avaient fait un saint homme, respecté et honoré par tous ceux qui l'approchaient. Il voyagea beaucoup et, dit la légende, il opéra sur son chemin de véritables miracles, de Bagdad à Séville, de Cordoue à Bougie où il régnait quand il fut mandé par le Pacha de Marrakech auquel étaient parvenus son renom et sa réputation de professeur et poète du Soufisme.

Sur les routes harassantes qui mènent de Bougie au Maroc où il était attendu, traversant les monts pelés et les vallées arides que brûle le soleil, il s'arrêta, un jour, au sommet d'une montagne et ce qu'il découvrit à ses pieds le remplit d'admiration.

C'étaient des collines et des plaines verdoyantes, des arbres pleins de fleurs odorantes et de chants d'oiseaux. Le Paradis d'Allah devait ressembler à ce coin de terre privilégié. 

Profondément ému, subjugué par le spectacle grandiose qu'il venait de découvrir, il ne put s'empêcher de murmurer : " C'est là qu'il ferait si bon vivre et mourir ! " . Et l'on prétend que Dieu l'entendit puisqu'il n'alla pas plus loin et c'est là que la mort trancha le fil de sa vie.

Devant le tombeau de Sidi Boumediène - par Gustavo Simoni

Devant le tombeau de Sidi Boumediène - par Gustavo Simoni

Le mausolée dans lequel il repose ressemble à toutes les autres "koubas" d'Algérie : un grand cube de maçonnerie blanchie à la chaux, surmonté d'un dôme percé de fines lucarnes par lesquelles glissent quelques rais de lumière à peine suffisants pour permettre de déceler à l'intérieur du sanctuaire tout ce que l'adoration des croyants a pu y rassembler. Tout un amoncellement hétéroclite de richesses, un véritable trésor dont l'importance égale la vénération dont jouissait l'homme qui repose là, s'offre à nos yeux : des drapeaux aux couleurs éclatantes où dominent le vert et le jaune, des tableaux de peintres naïfs, des glaces aux riches encadrements, des lanternes en cuivre ciselé et ajouré, agrémentées de verroteries de couleurs, des veilleuses, des bougies, des plats de toutes sortes. 

Ce tombeau s'ajoute à d'autres lieux saints, tels ceux de Sidi Daoudi, de Sidi Yacoub, de Sidi Halaoui sans compter ceux qui, au fil des années sont tombés dans l'oubli et l'anonymat ...

Tombeau de Sidi Yacoub

Tombeau de Sidi Yacoub

Mosquée de Sidi Halaoui - 1 875 - par Samuel Colman - (1 832 - 1 929 )

Mosquée de Sidi Halaoui - 1 875 - par Samuel Colman - (1 832 - 1 929 )

Une nouvelle mosquée ne tarda pas à pointer vers le ciel la fine silhouette de son minaret, un doigt de plus dirigé vers le Très-Haut, comme pour une " chahada " d'une ville baignée de religion et de sainteté. Rien n'est plus beau, dans le soir, que tous ces minarets dressés dans le ciel où s'allument les premières étoiles. Ils témoignent que la ville endormie à leur  pied est la véritable capitale religieuse de l'Algérie et peut-être plus encore ; Tlemcen dont le nom chante au cour des Musulmans comme Kairouan, Marrakech ou La Mecque. 

 

Minaret de Mansourah ( La victorieuse ) - merci Wikipedia

Minaret de Mansourah ( La victorieuse ) - merci Wikipedia

Tlemcen est née d'une très modeste bourgade romaine du nom de Pomaria ( les vergers) , sur laquelle s'érigèrent Agadir et Tagrart qui devaient rapidement former une riche capitale convoitée par ses voisins du Maroc et de l'Andalousie. Le minaret en ruines de Mansourah est encore le témoin du camp retranché qu'installèrent les Marocains en 1 299 pour assiéger la ville, siège qui dura jusqu'à l'invasion turque qui les délogea. Mais ces ruines pantelantes retiennent l'attention : ce sont les restes d'un chef-d'oeuvre de l'art hispano-mauresque, leurs fines sculptures soutiennent la comparaison avec l'illustre Koutoubia de Marrakech, la Giralda de Séville ou l'Alhambra de Grenade.

Mansourah

Mansourah

L'âme de Tlemcen est tout entière dans ses mosquées : celle de  Djemaat-Ekkebir - (La Grande Mosquée) - dont le minaret quadrangulaire domine de plus de trente mètres  les maisons d' alentour ; celles de Sidi El Bena, de Sidi Mohamed Snoussi, de Sidi Brahim, de Sidi Belkacem, de Sidi El Halaoui et tant d'autres plus modestes, mais sans oublier de citer celle de Sidi Bou Medine, ce saint  homme dont le souvenir restera toujours très cher au coeur des musulmans. 

La Grande Mosquée

La Grande Mosquée

Entrée d'une mosquée à Tlemcen - Valéry Jacobi - 1 882

Entrée d'une mosquée à Tlemcen - Valéry Jacobi - 1 882

D'une manière générale, l'Européen n'a guère l'occasion de pénétrer , pour la visiter, dans une mosquée. Serait-ce l'obligation d'avoir à se  déchausser avant de franchir la lourde porte d'entrée qui le retient ou le décourage ?... Ou bien la crainte de profaner un lieu d'où " l'infidèle " est banni ?... Toujours est-il que très rares sont ceux qui peuvent se vanter d'en avoir visité une comme on peut, tout simplement, assister à une cérémonie dans un temple protestant, dans une église catholique, voire dans une synagogue, quand on n'est pas pratiquant habituel de ces lieux. Passe encore de se découvrir ou , au contraire, de mettre son chapeau sur la tête ou même un simple mouchoir, selon l'un ou l'autre de ces édifices religieux, mais devoir se déchausser, voilà de quoi décourager bien des curieux .  

C'est pourquoi, en général, le promeneur ou le touriste ne va pas plus loin que le seuil d'une mosquée, dont il remarque, au passage, la lourde porte ..........

                                     A.B.

A suivre ...

Note : La mosquée de Sidi Boumediène fut construite en 1 339 comme annexe au Mausolée du Saint Homme

14-12-19

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