En ce temps-là, Oran avait soif !

Porteurs d'eau à Oran

Texte de A. Bianco                                                 

L'expansion rapide, fulgurante, d'Oran, allait se heurter inévitablement à un problème qui défraya la chronique durant les années trente : celui de l'alimentation de la cité en eau potable. En effet, de ses pentes montagneuses imprégnées de sel, Oran ne recevait que très parcimonieusement, une eau saumâtre qui avait fait se développer le commerce pittoresque des porteurs d'eau douce qui remplissaient leurs outres de peau de chèvre - les " guerbas " - aux sources des bois et jardins ou à de lointaines fontaines. Ils parcouraient les rues, agitant leurs clochettes et vendant à bon prix cette eau claire et limpide qu'ils étaient les seuls à colporter. 

On ne saurait évoquer ce problème du ravitaillement en eau d'une ville comme Oran sans voir surgir du passé la figure légendaire et combien attachante, de l'Abbé Lambert. 

L'Abbé Lambert

D'un "Abbé " , il n'en avait plus que le nom et la soutane qu'il porta de nombreuses années - avec un pittoresque casque colonial - car il n'avait exercé son sacerdoce que deux années.  Son esprit original et ses activités multiples avaient fini par l'éloigner de l'Eglise : il fut excommunié. Ses dons de sourcier lui valurent d'être appelé à Oran par la Municipalité pour tenter de trouver des ressources en eau, celle du bassin de Brédeah étant polluée par le sel de la Sebkha, le grand lac salé au sud d'Oran, or  ce qu'il trouva nécessitait de grands travaux.

Mais le sourcier devait être un peu sorcier ; il sut charmer toutes les couches de la société et il devint à un tel point si populaire qu'il entreprit et réussit une grande carrière politique. Sa statue, en terre cuite ou en plâtre, le représentant coiffé de son fameux casque colonial à large bord, avait sa place sur le buffet de bien des familles oranaises. 

" Oran a soif "  - " Oran tire la langue " : il établit sa campagne électorale sur ces grands titres qui étaient à la Une des journaux locaux et  fut élu Maire en 1934.

Durant de nombreuses années il dut affronter des oppositions farouches, il eut à renverser les obstacles et embûches que l'on tendait sous lui pour mener à bien les grands projets qui bouillonnaient dans sa tête : faire couler de l'eau, de la bonne eau claire et abondante à tous les robinets de la ville, étant l'une de ses obsessions. 

Barrage de Beni Bahdel

Dans les années 1934-39, la construction du Barrage de Beni Bahdel (au S. O. de Tlemcen ) permit enfin d'irriguer la plaine de la Marnia et cinq années plus tard, après une modification de sa hauteur, une partie de son eau (pas tout à fait douce) parvint - enfin - à Oran et ce fut un premier  soulagement dans tous les foyers. En même temps que s'éteignait, peu à peu, la grande soif d'une ville entière, tombait en faillite ce petit commerce des porteurs d'eau ...

Si, d'aventure, vous passez par Oran, il est une promenade qu'il ne faut pas manquer : c'est celle qui mène à Mers-El-Kebir : ( La Grande Rade ) . Les amateurs de pittoresque et de sensations fortes y trouveront leur compte. 

Enfermée dans un cirque de montagnes verdoyantes, protégée par une longue pointe de terre, cette rade est le meilleur des refuges de toute la côte Algérienne. 

Cela valut, hélas, à la flotte Française qui y stationnait, d'être coulée, le 3 Juillet 1940, par la Marine de Sa Très Gracieuse Majesté ... Tant de Marins y laissèrent leur vie ...

Cette véritable place-forte en plein, coeur de la Méditerranée, verrou de fermeture sur la mer et sur l'intérieur, a toujours été et sera toujours le meilleur point d'appui stratégique qui, avec Bizerte d'une part et Toulon d'autre part, doit assurer l'indépendance et la paix dans le bassin méditerranéen où sont intimement soudés les intérêts de l'Algérie et ceux de la France.

                                                       A. B.

A suivre : Quelques précisions seront données par MPB sur : 

la biographie de Gabriel Lambert 

l'eau à Oran 1952

Oran Juillet 1962

Sans commentaire ...

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