La " Kahena " - Entre Histoire et Légendes

Publié le par Michèle Pontier-Bianco

Portrait imaginaire ( et idéalisé ! ) de la Kahena, maintes fois reproduit

Portrait imaginaire ( et idéalisé ! ) de la Kahena, maintes fois reproduit

Seconde édition - Des images, des notes en plus

Texte de A. Bianco

On peut se demander si l'importance de la femme est une survivance ou une confirmation : l'histoire de l'Aurès, en effet, est peuplée de légendes dont la plus belle est sûrement celle, authentique, laissée par la " Kahéna " , cette altière amazone, tout à la fois reine guerrière, chef de tribu berbère, profondément femme et devineresse, qui fut l'âme de la résistance à l'envahisseur arabe.

Elle a inspiré peintres, historiens et auteurs.

Elle a inspiré peintres, historiens et auteurs.

Cette Antinéa d'une autre Atlantide était, dit la légende, d'une très grande beauté : " Une beauté qui brillait comme la lune à la quatorzième nuit " . Les histoires que l'on raconte sur son compte  au soir des chaudes journées, sont toutes empreintes d'érotisme. Mais c'est surtout le don de prophétie de cette devineresse qui fit sa force et que l'on se plaît à chanter.    

Cela se passait en des temps très anciens, vers le VII° siècle (les chroniqueurs du temps n'ont su le préciser) . Pour la seconde fois l'Islam venait de décider la conquête de l'Ifriqyia par la Guerre Sainte. Une armée considérable, ayant à sa tête Hassan Ben Nohmane, déferla sur Carthage qu'elle prit (en 698)  pour se retourner ensuite sur les Berbères. 

698 Bataille de l'Oued Nini

698 Bataille de l'Oued Nini

Voulant marquer un nouveau grand coup, Hassan demanda qu'on lui désignât le plus grand seigneur, le plus puissant chef guerrier des Berbères. A sa stupéfaction on lui répondit : " C'est Dahmia, la Kahéna, la devineresse qui commande à la tribu des Djérouas " . Ce fut donc à l'assaut de l'Aurès que se résolut Hassan. Mais, avant même que l'Aurès ne fût en vue, la Kahéna, instruite de ce projet grâce à son don de prophétie, lança ses armées dans la plaine, à sa rencontre. Surpris, les Arabes essuyèrent une cuisante défaite et s'enfuirent vers la Tripolitaine. 

Ile de Tabarka - Prise de Tabarka en 702

Ile de Tabarka - Prise de Tabarka en 702

Dès lors, disent certains, prise de rage violente, la Kahéna décida de se garder d'un nouveau danger en isolant l'Aurès par un désert impénétrable ; elle fit donc dévaster les campagnes, combler les sources, raser les villes, tout autour de l'inexpugnable citadelle montagneuse. Des nombreux captifs pris aux Arabes, elle n'en retint qu'un seul, Khaled ben Yazid, qu'elle s'attacha personnellement et renvoya le reste dans les déserts.

Refuge de la Kahena - " Un vestige à protéger " nous dit Liberté Algérie

Refuge de la Kahena - " Un vestige à protéger " nous dit Liberté Algérie

Indéniablement, le beau et intrépide guerrier qu'était Khaled, devint l'amant de la Kahéna ; mais celle-ci voulut se l'attacher plus fortement encore que par la puissance de ses amours. Elle décida d'en faire son fils " par son pouvoir de magicienne " . Mais l'Arabe demeura hostile et vindicatif. La Kahéna ne l'ignorait pas : elle savait, car elle savait tout de sa trahison, de ses rapports constants avec Hassan, le secret de leurs messages. Elle savait le triomphe prochain de l'Islam, la prophétie-même de sa mort. 

Amphithéâtre d'El Jem en 1900 - Parfois appelé "Ksar de la Kahena "

Amphithéâtre d'El Jem en 1900 - Parfois appelé "Ksar de la Kahena "

Lorsque, à la tête de son armée Hassan revint, bien décidé cette fois d'en finir avec cette " fille de chien " , elle rassembla sa tribu, puis défaisant les plis lourds de sa chevelure rejetée en arrière, elle prit la tête de ses guerriers pour un ultime et farouche assaut. Elle tomba, frappée à mort par la main d'Hassan. Trahie, après sa mort, par ses propres fils qui, soumis, étaient devenus chefs de troupes de l'Islam, elle est restée dans la légende et aussi dans l'Histoire.

            A. Bianco

Statue de la Kahena à Kenchela élevée en 2003 - Vandalisée  puis restaurée

Statue de la Kahena à Kenchela élevée en 2003 - Vandalisée puis restaurée

Notes

Kahena : " prêtresse ou devineresse " en arabe - pour les Amazighs des Aurès elle  se   nommait " Dyhia " : ( la belle gazelle) - on la disait juive ou bien chrétienne - ou on lui attribuait des pouvoirs surnaturels - elle est considérée comme l'une des premières féministes -

698 Bataille de l'Oued Nini - au nord de Baghaï - dite " Bataille des chameaux " - entre Hassan Ibn Numan et les armées berbères - Hassan vaincu - pendant cinq ans les forces arabes sont évincées d'Ifriqiya -

702 Prise de Tabarka : dernière bataille entre les Berbères dirigés par la Kahena et les Arabes avec Hassan Ibn Numan à leur tête - se voyant au bord de la défaite la guerrière pratiqua la politique de la " terre brûlée " -

703 " serait " l'année où elle mourut ... selon certaines sources - on trouve souvent des indications différentes - on reste parfois dans l'incertitude mais, qu'importe après tout ! 

Histoire ou légende, sa vie est passionnante, les récits captivants !

M. P. B. 

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