WEEK-END A BISKRA
27-01-2022
Seconde édition - des images, des notes en plus
Texte de Albert Bianco
Des journées pleines de soleil m'avaient incité à choisir cette fin de semaine de Décembre, pour faire connaître à ma compagne, Biskra, la " Reine des Zibans " . Mais une brusque perturbation atmosphérique mettait sur le petit matin, le Samedi de notre départ, tout ce que l'hiver sait rassembler de ciel gris, de pluie, de vent glacé, pour se manifester sous l'angle le plus désagréable, le plus antipathique.
Notre petite voiture fonçait gaillardement sur la route glissante, dans les crachins et la bise qui nous faisaient escorte et s'insinuait perfidement par les minces interstices des portières fermées et des glaces relevées.
Déjeuner en manteau à Batna, dans une délicieuse auberge ; repas rapide, englouti en hâte afin d'atteindre au plus tôt la coupure d'El-Kantara qui marque -dit-on - la grande surprise climatique sur la route du Sud. A de rares exceptions près, le voyageur laisse en consigne, dans les gorges sauvages creusées dans l'Atlas Saharien, le bagage inutile de pluies, de neige et de froidure ; de l'autre côté, il trouve le ciel bleu, le beau soleil et une température douce sans lesquels la vision du pré-désert saharien serait bien décevante.
Mes explications et tout l'étalage de mon érudition sur les curieuses petites gares à double toit débordant, jalonnant de loin en loin la voie ferrée qui suit la route, sur le ravitaillement en eau des " cheminots " qui y vivent, par les " trains-d'eau " , ou sur la montagne de sel trouée comme une éponge, des environs d'El-Outaya, mes hypothèses sur le Médracen et son énigmatique existence, tout cela semblait sans intérêt tant mon aimable compagne recroquevillée souhaitait la surprise.
Nous tombions malheureusement sur l'exception qui confirme la règle ! J'en étais terriblement vexé. Nous venions de quitter les pentes neigeuses de l'Aurès ; nous roulions maintenant dans le couloir rocheux, démantelé, dantesque, des escarpements taillés à angles vifs, de cette porte monumentale et sauvage, espérant le miracle qui ne se produisait pas. " Soleil, ô toi sans qui les choses ne seraient que ce qu'elles sont " .
Falaises, rochers, oued d'El-Kantara, il vous manquait du soleil ce jour-là, pour avoir pu enchanter nos regards, par vos teintes d'ocre rouge, vos eaux claires et vos palmiers. Vous n'étiez que roches nues et désertes, que torrent aux eaux ternes et communes : nulle poésie ... Première et grande déception .
La muraille rocheuse s'ouvre par surprise, sur la première palmeraie saharienne étalée dans la vallée de l'oued, bordée par un village de torchis aux maisons basses et mal équarries, dont les murs, rongés par les pluies, se hérissent de multitudes de brins de paille. L'horizon s'élargit. Insensiblement, l'immensité plate et désertique recule à l'infini ses limites imprécises et fait naître un espoir : là-bas, très loin devant nous, vers la ligne fondue du ciel et de la terre, un nimbe de lumière dorée poudroie la nappe d'un vert-bleuté de l'immense oasis de Biskra.
Nous courons vers le soleil, au travers d'un paysage cahotique, raviné, stérile, coupé par endroits de minuscules champs verts de céréales qui lèvent, de bosquets épineux, de palmiers esseulés, de haies de cactus rabougris, d'invraisemblables petits villages verdoyants. Notre espoir n'est pas déçu. Bientôt nous entrons dans la ville inondée de soleil, nous roulons dans ses rues bordées d'hôtels, de jardins ombragés, de boutiques et de magasins, dans la capitale incontestée de la datte : Biskra !
A. Bianco (A suivre ... )
Notes de MPB
Les Gorges d'El Kantara sont une merveille de la nature. Elles ont été creusées par les eaux de l'Oued El Haï, grossi de ses deux affluents, à travers les roches calcaires ; un travail de 35 à 83 millions d'années ! Les premiers habitants étaient d'origine Berbère. Le village d'El Kantara portait le nom de Calceus Herculis sous les Romains qui avaient créé là, un centre urbain et militaire pour relier Tobna et Timgad : le pont qu'ils ont bâti subsiste.
Le nom du village signifie en Français : Le Pont. D'après l'une des légendes, les gorges auraient été ouvertes par un coup d'épée de l'Ange Noir du Coran. Entre 620 et 1048 les conquêtes Musulmanes permirent le peuplement de la Dachra Dhahraouia dont on peut voir la Casbah pittoresque.
En 1844 arrivèrent les Français et en 1923 le site et le village furent protégés.
Pendant la Guerre d'Algérie ce fut un centre névralgique.
Le village fut rattaché à la wilaya de Biskra. Longtemps les principales ressources vinrent de l'importante palmeraie. On a aussi développé l'artisanat de la belle poterie aux dessins berbères.
Sur la route de Biskra, un halte s'impose pour admirer l'un des plus beaux sites d'Algérie ...
M. P. B.
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