Femmes d'Alger et de Constantine - Leurs costumes

Publié le par Michèle Pontier-Bianco

Algéroises sous leurs voiles blancs- (Observ'action)

Algéroises sous leurs voiles blancs- (Observ'action)

Texte de A. Bianco

Seconde édition - Des images et des notes en plus

Il est une silhouette bien particulière à Alger, une silhouette d'absolue  " couleur locale " : c'est le gracieux fantôme blanc qui, de la Kasbah aux extrémités de la ville, hante les rues, s'arrête aux vitrines, pénètre dans les grands magasins. Toute de blanc vêtue,  la femme musulmane d'Alger, mystérieusement cachée sous les haïks descendant jusqu'aux chevilles, chaussée à l'européenne, ne révèle d'elle-même que la ligne des yeux et, par l'artifice du litham devenu une miniature transparente, laisse deviner seulement le reste du visage.

Habile stratagème que celui d'un regard éminemment mis en valeur par son isolement : grands yeux sombres ou noirs, agrandis par le " khol "  et le bistre, coulant entre les paupières lourdes des regards de gazelle. Naturel ou ostensiblement étudié, le regard d'une femme a toujours été pour l'homme le rêve d'amours impossibles et combien de Pierre Loti  se sont laissé prendre à ces pièges, suiveurs obstinés de ces belles ombres blanches, jusqu'à la porte fermée de leur déception !!

De beaux yeux derrière le "litham"

De beaux yeux derrière le "litham"

Jeune  et élégante, aimant les bijoux et les parures clinquantes, portant bas nylon et talons hauts, moulée dans des voiles blancs de surah ou d'indienne, la femme musulmane d'Alger sort de chez elle volontiers, marche allègrement dans les rues, fait ses emplettes toute seule et par sa présence multipliée en tous lieux, donne à la capitale sa physionomie et son cachet bien particuliers.

" Un p'tit peu"  plus ancien ...

" Un p'tit peu" plus ancien ...

Elle a abandonné le costume ancestral du sarouel blanc, ample et bouffant serré au-dessus des genoux, de la camisole aux épaulettes étroites, largement échancrée sur la poitrine et rehaussée de manches très amples de mousseline transparente ramenées sur les épaules, du foulard drapé sur la tête et des " kab-kabs " de bois traînés aux pieds. Respectant la tradition, ce costume se voit encore, porté par des femmes âgées.

Les robes " à la française " achetées dans les grands magasins, monoprix et boutiques, tendent de plus en plus à tuer la tradition ; seuls ont demeuré, le grand haïk blanc, posé à-même la brune chevelure et enveloppant le corps et le charmant litham, souvent transparent, brodé et empesé, plaqué sous les yeux et effrontément relevé par la courbe du nez.

La Constantinoise a un voile sévère ... (la m'laya) ...

La Constantinoise a un voile sévère ... (la m'laya) ...

... mais la mariée ressemble à une princesse

... mais la mariée ressemble à une princesse

Plus l'on s'éloigne de la région algéroise, plus le costume s'assombrit et se colore. Dans le Constantinois notamment, la femme en blanc fait exception, encore que leur nombre grandissant se remarque de plus en plus, dans les salles de spectacles en particulier : c'est en somme, le costume de gala. La silhouette féminine s'alourdit dans l'ampleur  du vêtement. Les robes aux ramages colorés ou aux larges fleurs ont le plus souvent la même forme : en effet, le privilège de leur confection appartient aux seuls couturiers masculins qui tiennent boutique dans les rues des vieux quartiers où leurs oeuvres  flottent aux devantures, avec leurs couleurs attirant le regard. Le travail se fait en série sur des gabarits arrêtés une bonne fois pour toutes. Et l'on rehausse de galons, de passementeries, de paillettes et de broderies d'or et d'argent une simple robe. 

Un article vestimentaire devient indispensable : la ceinture. Simple torsade de toile ou grand mouchoir roulé autour de la taille, elle est le plus souvent une véritable oeuvre d'art des petits artisans, enrichie de larges boucles d'orfèvrerie, d'arabesques brodées d'or ou d'argent, sur fond de velours vert, rouge ou grenat.

Sur la tête qu'il entoure savamment en enserrant la chevelure cuivrée par le henné, le mouchoir conditionne la mise et l'élégance traditionnelles. Sa teinte frise les jaunes, les roses, les rouges, les violets et les verts vifs à grands ramages et franges, colorés. Enfin, enveloppant tout l'ensemble de drapés compliqués, l'ample " mélaïa " , voile sombre ou à fines rayures grises, entoure de façon imprécise et bouffante, la silhouette de la femme, ne permettant plus de reconnaître un corps juvénile et svelte d'un autre plus alourdi ; seule la marche permettra de les distinguer.

Mariage à Constantine

Mariage à Constantine

Le voile du visage, d'épaisse mousseline, garde jalousement ses secrets ; les  yeux seuls apparaissent entre le bandeau noir du " mélaïa " et le blanc du litham .

Dès la précoce puberté, la jeune fille est soumise à cette tenue traditionnelle. En plus, elle doit cacher tout  son visage derrière le voile  blanc jusqu'au jour peu lointain où, devenue " aroussa " , (jeune mariée) , elle aura le droit de montrer ses yeux, mais la claustration lui en donnera peu l'occasion.

Ceintures de caftan - de vrais bijoux - AliExpress )

Ceintures de caftan - de vrais bijoux - AliExpress )

Beaucoup plus libres sont les filles et les femmes des campagnes. S'employant aux multiples travaux ménagers et agraires, elles ont besoin de la liberté de leurs mouvements ; aussi abandonnent-elles à plaisir l'encombrant et volumineux  mélaïa . Elles le réservent pour les grandes sorties ou les visites familiales à l'occasion des deuils ou des mariages, ou simplement pour se rendre au hammam voisin.

Costumes des Aurès - (l'Algérie-ses coutumes)

Costumes des Aurès - (l'Algérie-ses coutumes)

Dans les grandes villes, on assiste à l'européanisation du vêtement pour enfants. Les confections à bon marché sont à l'honneur dès que le gamin commence à fréquenter l'école, mais la tradition reprend tous ses droits les jours de fête : Aïd Seghir, Aïd-el-Kébir et surtout Mouloud qui serait un peu comme un Noël musulman. Une éclosion de couleurs vives et brillantes envahit les rues ; velours et soieries multicolores, raidis de neuf, lourds de broderies et de passementeries, habillent, en les engonçant parfois, les fillettes fardées, poudrées et parfumées, aux mains rougies par le henné. 

Sur les lourdes chevelures bouclées sont campés des sortes de petits cônes précieux  ou de tambourins à jugulaires , ils sont faits de velours de couleur, enrichi de piécettes dorées, de broderies et de duvet de cygne rose ou bleu.

Beautés en habits de fête

Beautés en habits de fête

La grande masse du peuple travailleur, souvent pauvre, choisit aujourd'hui dans les " surplus américains " le vêtement de tous les jours, le " prêt-à-porter " pratique et peu onéreux où la veste du " G.I. " , peut s'allier au pantalon à peine défraîchi de quelque  " dandy " .  

Burnous de laine aux capuchons pointus, " cachabias " de laine et de poils de chèvres mêlés, oeuvres de l'artisanat familial que j'ai connues dans  ma jeunesse, vous avez presque disparu devant le progrès et derrière trente années de civilisation et de modernisation d'un peuple en marche vers le mieux-être. 

                                           Par A. Bianco 

Notes de M.P.B.

Le Henné

L'arbuste épineux dont les feuilles réduites en poudre donnent le henné, fait le bonheur d'une immense partie de la population féminine du Maghreb principalement.

C'est la coloration principale qui donne aux cheveux bruns un chaud reflet auburn. Il permet aussi de colorer en blond une chevelure que blanchissent les ans, ou il peut être neutre et gaine les cheveux en les fortifiant dit-on.

J'ai vu une application de cette pâte magique (qui évite les produits caustiques ! ) faite par une femme musulmane âgée qui s'y connaissait bien. J'ai remarqué qu'elle murmurait des prières ou des incantations en massant la chevelure. 

Rituel du mariage

Rituel du mariage

La cérémonie du henné quelques jours avant le mariage ou la veille, mériterait un véritable article. Ce cérémonial regroupe les femmes, parentes et amies de la mariée. On enduit les mains et les pieds de la jeune femme de cette pâte qui symbolise la chance, le bonheur et la fécondité que toutes lui souhaitent.

Les couturiers d'avant - la Haute Couture d'aujourd'hui.

Les doigts habiles du brodeur

Les doigts habiles du brodeur

Le  patron simplissime " d'avant " - maintenant les modèles sont plus élaborés.

Le patron simplissime " d'avant " - maintenant les modèles sont plus élaborés.

On a vu dans l'article que les robes, merveilleusement brodées parfois, étaient confectionnées par des couturiers. La broderie de fils d'or et d'argent est tout un art. Je suppose que des "petites couturières" pouvaient réaliser des robes simples pour parentes et amies. 

Dans les élégantes robes actuelles  que proposent les "stylistes" d'Algérie, hommes et femmes, on retrouve la magnificence des broderies. La tradition du motif particulier à une  ville persiste. On la fait vivre mais on a modernisé les tenues :  le corps est souligné et non plus dissimulé. 

N'est-ce pas une heureuse évolution ?

M.P.B.

Broderie Constantinoise - (le blog de la femme maghrébine )

Broderie Constantinoise - (le blog de la femme maghrébine )

Mariée Constantinoise - (Mariage oriental) - Merci aux photographes de Mode !

Mariée Constantinoise - (Mariage oriental) - Merci aux photographes de Mode !

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