Le Palais de Ahmed Bey - (II)
Texte de Albert Bianco
Seconde Edition - Des images, des notes en plus.
On a peine à imaginer aujourd'hui ce que pouvait être, à cette époque, la vie dans cet immense palais . Cependant, une chose certaine se dégage de la lecture des récits recueillis depuis la conquête : la jalousie et la sensualité de Ahmed Bey. Quatre épouses légitimes, sa mère et trois cent soixante cinq femmes - favorites et servantes - peuplaient cet immense sérail dont le Bey était le seul maître.
Tour à tour, l'un des eunuques remplissait les rôles d'Intendant, de serviteur et de confident. La garde imposante des Janissaires avait sa garnison face au palais, avec mission stricte d'éloigner les importuns de toutes sortes.
Les femmes vivaient en recluses dans leurs appartements sans pouvoir communiquer entre elles, se livrant aux délices du farniente intégral. De temps à autre, leur seigneur et maître les réunissait, leur distribuait des friandises, des fards, des vêtements ou des frivolités ; puis elles retournaient dans leur monotone claustration. Au cours de ces petites réunions intimes, le Bey choisissait, en lui jetant sa pipe, l'heureuse élue chargée de la lui rapporter, dès la nuit venue, dans sa chambre personnelle et de partager sa couche seigneuriale.
Les unes étaient jeunes et fort belles, les autres, parfois, étaient laides et adipeuses. Beaucoup d'entre elles provenaient des marchés d'esclaves ; telle la belle Aïcha qui avait été prise dans l'île de Chio. Les autres provenaient des ressources locales sans distinction d'origine. Il eut quelques temps pour concubine, une Africaine dont il eut un enfant. L'une de ses femmes légitimes, lui en ayant fait le timide reproche, il la fit égorger . Plus encore pour les femmes que pour les hommes qui avaient eu le malheur de déplaire, il avait des raffinements de cruauté ...
Aujourd'hui, le palais n'est plus qu'un Etat-Major, une suite de bureaux encombrés de tables, de cartes et de papiers ; mais les jardins fleurissent toujours et leurs grandes verdures mettent partout de l'ombre et de la fraîcheur.
Texte de A. Bianco
Notes de M. P. B.
"Le recueil de la Société Archéologique" écrit en 1867 par M. FERAUD, nous a laissé une "Monographie du Palais du Bey à Constantine" fort précieuse car on y trouve les témoignages des proches du Bey qui avaient été abandonnés par leur maître lorsque ce dernier avait dû quitter son palais et sa ville...
Il s'agit de femmes du Harem, de serviteurs et de Janissaires.
Nous avons vu comment le Bey s'appropriait de façon plus ou moins brutale, de belles pièces dignes de son palais. La demeure qui fut le plus dépouillée et même "maltraitée" - (sic) - fut la belle maison de campagne de Salah Bey, un homme qui a laissé un souvenir impérissable dans le coeur des Constantinois ... Elle se trouvait au-delà du Pont d'Aumale. On peut ajouter qu'il faisait détruire toute construction qui le gênait pour agrandir son palais. Des familles s'expatriaient pour éviter la ruine. On cite les Ouled Kera Ali ou Ouled Brahan Bey réfugiés à Alger.
Quant aux ruines romaines, elles devinrent la base du palais en pierre de taille !
Les piliers des arcades sont souvent dissemblables, de provenances diverses ou commandés en Italie ou sur place. Cette variété ne choque pas, les sols sont en marbre et les murs recouverts de faïences pour la fraîcheur. Il fallut six ans pour les travaux ; en 1835, presque tous les bâtiments étaient terminés.
Une fête de trois jours et trois nuits, digne des "Mille et une nuits " , marqua l'inauguration du Palais ! Ahmed Bey invita tous ses sujets qui purent admirer les galeries illuminées, les tapis à profusion, écouter de la musique et se régaler de gâteaux et de sorbets !
Toutes les femmes du palais furent reléguées soigneusement ! Elles en avaient l'habitude puisque chaque soir leurs logements étaient cadenassés et gardés par de grands dogues.
Il faut dire qu'il avait peu d'égards pour toutes et il alla même un jour, jusqu'à frapper sa mère. Sa favorite Aïcha avait tout intérêt à se tenir tranquille car elle n'était pas épargnée non plus. Ce prénom n'était pas le sien : elle se souvenait d'avoir vécu sur la côte italienne, mais elle fut enlevée , en même temps que son frère, par des pirates et donc vendue comme une "marchandise humaine" ...
Un jour, son frère retrouva sa trace et Ahmed Bey le reçut. On imagine les marchandages. Le jeune homme devait revenir au palais le lendemain. Il revint donc , sûrement partagé entre espoir et crainte.
Eh bien ... A peine arrivé, on l'exécuta !
A propos de la photo de la "Femme au Harem" que j'ai mise dans l'article, je précise : je ne pense pas avoir "piqué" cette photo car, on voit nettement qu' elle figure dans un livre et on la trouve aussi dans un blog sur Constantine.
On ne voit pas le fameux "Kiosque" d'où le Bey voyait TOUT, dans toutes les directions. Le Général Commandant la Division et son Etat-Major occupèrent les lieux et le Kiosque devint le bureau du Commandement Militaire de la Place. Il n'y eut guère de changements sauf pour de grandes salles où l'on construisit des cloisons pour faire des bureaux, de simples cloisons et non des murs importants ! Pendant toutes ces années, entretien et réparations immédiates furent assurés. Mon Père y passa les toutes dernières années de sa carrière.
Après 1962, le Palais resta longtemps fermé ce qui n'est jamais bon pour les demeures anciennes ...
Enfin les travaux pour sa réhabilitation furent entamés à la fin de l'année 2003.
Il est devenu un musée qui fait honneur à la ville de Constantine !
M. Pontier-Bianco
![Patrimoine en péril - (2ème partie) - Les 4 éléments](https://image.over-blog.com/HYMtKZ4JCfrNZedR4FnFEpfXQIo=/170x170/smart/filters:no_upscale()/image%2F1405864%2F20241029%2Fob_3a6f1b_241426438-6211440005564536-57257007145.jpg)
Patrimoine en péril - (2ème partie) - Les 4 éléments
Rocher des Martyrs à Constantine - TamazaYa - FaceBook Article No 190 Nous avions vu que la notion de "Patrimoine" s'appliquait à beaucoup de constructions, de lieux et de choses diverses. Dans l...
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